« Musique en tête », « tambour battant »... notre langue est pleine d'allusion au temps où la vie militaire se menait en musique, pour ne pas dire à la baguette. Ces expressions ont vieilli, et la musique militaire passe pour ringarde, quand ce n'est pas « connotée politiquement » ; mais l'écho de cette époque vibre encore depuis les siècles où l'art militaire était symbolisé par un tambour ou un bouquet de trompettes.
C'est donc tout un corpus musical qui faisait vivre la troupe ou le navire. En lui donnant d'abord sa cohésion en rythmant l'action, le pas des hommes et la montée du drapeau, le hissage des voiles ou les tours du cabestan.
Ensuite, en rythmant le jour au signal d'un ensemble de batteries et de sonneries, de phrases trillées au fifre ou au sifflet du gabier ; un langage codé, précis, connu de tous, qui jetait les hommes à bas des hamacs, les hâtaient vers le lieu du rassemblement ou la gamelle de l'ordinaire, ou en boitant vers l'infirmerie...
Aujourd'hui encore, le régiment ou le bâtiment trouvent le summum de leur cohésion dans le rituel des « prises d'arme », des « retraites » et les défilés. Les orchestres des régions aériennes ou des divisions alpines, les bagads de l'Ouest, entretiennent toujours dans le peuple la fibre patriotique et musicale, comme jadis ils diffusaient, depuis le vieux kiosque à musique, les airs d'opéra fredonnés par les privilégiés.
Enfin, les devoirs remplis, l'homme de troupe devenu homme tout court trouve encore dans les chants « de tradition » un lien viril, fait d'amours aussi imaginaires que communes pour Fanchon ou Marie-Dominique, fait de nostalgies du pays lointain ou brutalement envahi, d'hommages pudiques pour les frères d'armes fauchés jeunes.
Cet ensemble triple, riche de ses intrications, nous l'avons un peu arbitrairement divisé en trois domaines, que notre site abordera séparément :
D'abord la céleustique militaire, ou art de transmettre les ordres par sons et mélodies (au tambour, au canon, à la trompette, au clairon, au sifflet...). Art céleustique qui renoue avec un de ses premiers buts - régler les mouvements des rameurs, dans les galères antiques -, pour ordonner l'avance des hommes, la course des chevaux, même les mouvements des artilleurs au canon.
Ensuite, la musique militaire, dont la céleustique est un peu la mère : répertoire spécifique proche de celui des fanfares, mais aussi répertoire plus large, plus civil, non plus seulement interprété par l'union du clairon et du tambour dans la martiale clique, mais par de vrais orchestres militaires, souvent composés de civils sous contrat, et d'instruments qui, en dépit des atavismes, ne sont jamais très éloignés des orchestres philharmoniques.
Enfin, le chant militaire, domaine qui a, lui aussi, des liens avec les deux précédents, puisqu'il a autant emprunté ses mélodies au répertoire de l'orchestre militaire, qu'alimenté celui-ci, y compris de phrases mélodiques qui servent parfois... de signal céleustique.
Outre cette triple structure un peu rigide, nous avons voulu faire de ce site un lieu ouvert, où la rigueur de l'information, l'esprit critique, l'amour de la discussion et l'humour ne seront jamais trop loin pour que civils, militaires et ex-conscrits, puissent partager de manière plus informelle leurs connaissances et leur intérêt pour un sujet si riche.
A nos amis gradés, suggérons d'oublier dans le cadre de ce site grade et ancienneté, pour ne reconnaître comme hiérarchie que celle des informations.
Pour finir, nous espérons que l'apport de chacun ne se cantonnera pas à la nostalgie d'un âge d'or - qui, probablement, est derrière nous - pour documenter des aspects plus récents de toutes ces questions, notamment l'emploi de tel chant sur tel ou tel théâtre d'opération récent, ou des anecdotes sur les derniers souffles de la céleustique.